Félix de Vuillefroy-Cassini fut une personnalité brillante. Aussi bien artiste peintre, graveur, qu'entomologiste, il fut l'un des fondateurs de la Société des Artistes Français. Il était le fils du sénateur Charles-Amédée de Vuillefroy (1810-1878) et de Félicie Feuillade (1822-1843), décédée alors qu'il n'avait que deux ans. Ses biographes dans la presse artistique de la fin du XIXème siècle aiment à dépeindre un artiste ayant renoncé aux fastes du Conseil d'Etat pour l'aventure de la vie d'artiste, de bohème.
En effet, après une enfance passée entre Paris et le château familial de Fillerval (héritage des Cassini, dont la grand-mère de l’artiste était la dernière descendante), Félix suivit la tradition familiale et entama des études juridiques. Une fois licencié en droit, il prépara le concours et entra au Conseil d’Etat comme auditeur de seconde classe le 25 juin 1864, à la section de Législation, Justice et Affaires étrangères. Commence alors sa courte carrière au Conseil d’Etat : en 1865 il passa à la section des Finances, de l’Agriculture et du Commerce et, le 31 décembre 1866, il fut promu auditeur de première classe. Courte carrière car il sentait bien que « la poussière des dossiers » du Conseil d’Etat n’était pas faite pour lui, il était plus attiré par l’étude des sciences naturelles à l’exemple de ses ancêtres Cassini, ainsi en 1865 il fit un voyage en Espagne avec la Société d’Entomologie de France. Le jeune homme traversa alors l’Espagne, découvrit ces paysages qui marqueront une partie de son œuvre, c’est aussi au cours de cette expédition que fut répertorié l’insecte « nebria Vuillefroyi », baptisé en l’honneur du jeune entomologiste.
Troupeau de vaches dans les montagnes du Forez, 1889, localisation actuelle inconnue
Parallèlement à cette passion pour les sciences naissait un intérêt pour la peinture, et notamment pour l’Ecole de Barbizon. L’anecdote du jeune Vuillefroy cherchant des fougères ou des insectes, rencontrant par hasard des peintres peignant le motif dans la forêt de Barbizon est souvent racontée non sans romance. Mais le fait est qu’il fréquenta les artistes installés en forêt de Fontainebleau et notamment Jean-François Millet et Félix Ziem, ce dernier l’épaula dans ses débuts au Salon. Vuillefroy décida alors d’abandonner le Conseil d’Etat en juin 1869, d’aller à l’encontre de la volonté paternelle, et de devenir artiste peintre. Il était entré dans un premier temps dans l’Académie Suisse puis dans l’atelier d’Ernest Hébert qui devait être rapidement confié à Léon Bonnat en raison du départ d’Hébert pour Rome. Félix de Vuillefroy exposa pour la première fois au Salon en 1867, ce fut le début d’une longue carrière officielle qui ne prendra fin qu’en 1913, date de son dernier Salon.
L'orage, 1877, eau forte, collection particulière.
Peintre animalier, ses toiles sont essentiellement consacrées au motif de la vache. Bien qu’il ait peint d’autres sujets, cette thématique fut très importante et prend tout son sens dans le contexte politique de la Troisième République. En effet, la jeune république, soucieuse de stabilité, encouragea cette peinture « du terroir », exaltant le sentiment de cohésion nationale et de pérennité. La période 1870-1890 fut alors le moment d’épanouissement d’une peinture consacrée aux bovins où les acteurs les plus connus aux côtés de Vuillefroy furent Rosa Bonheur, Emile van Marcke ou encore Léon Barillot. Le Salon de 1870 fut l’occasion pour Vuillefroy d’une première médaille ainsi que d’un premier achat par l’Etat de son tableau « Le matin dans le Bas-Bréau ». Par la suite l’Etat lui achètera d’autres toiles aux Salons de 1879 et de 1880 notamment. L’année 1880 fut aussi pour lui celle de sa nomination en tant que chevalier de la Légion d’Honneur. Sa longue carrière sera marquée par son implication dans l’organisation du Salon: membre fondateur et secrétaire de la Société des Artistes Français en 1881 ainsi que membre du jury de la section Peinture. Vuillefroy pratiqua également la gravure à l’eau forte, il illustra notamment des ouvrages de son ami Félix Thiollier.
A partir de la fin des années 1890 la santé de Félix de Vuillefroy se dégrade et son implication dans la vie artistique du moment diminue, absent du Salon entre 1899 et 1910 il vend son atelier à Drouot en 1907. La fin de vie du peintre reste mal documentée mais la correspondance qu’il entretenait avec son ami Paul Nadar nous apporte des informations. Il semblerait que la Première Guerre Mondiale ruina Vuillefroy, la conjoncture économique s’étant dégradée, et sa fortune semblait essentiellement basée sur des biens immobiliers dont les locataires n’étaient plus obligés de payer le loyer en raison du moratoire. Dans les dernières années de sa vie il quitta son atelier parisien du 3 rue Andrieux pour se retirer à Maisons-Laffitte où il mourut en 1916. Sa sépulture n’est actuellement toujours pas localisée.
Félix de Vuillefroy dans les collections muséales :
- Aix-les-Bains, Musée Faure
- Amiens, Musée de Picardie
- Bagnères-de-Bigorre, Musée des Beaux-Arts Salies
- Colmar, Musée d’Unterlinden
- Cusset, Musée de la Tour-Prisonnière et Souterrains
- Dunkerque, Musée des Beaux-Arts
- Le Mans, Musée de Tessé
- Lyon, Musée des Beaux-Arts
- Paris, Musée d’Orsay
- Paris, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts
- Paris, Bibliothèque Nationale de France
- Reims, Musée des Beaux-Arts
- Rouen, Musée des Beaux-Arts
- Saint-Etienne, Musée d’Art Moderne
- Soissons, Musée des Beaux-Arts
- Baltimore, Museum of Art
- Faenza, Pinacoteca Comunale
- Londres, British Museum
- San Francisco, Fine Arts Museums
- Santiago de Chile, Museo de Artes Decorativa
La barrière, vers 1883, collection particulière